Copropriété et communauté énergétique

La création d’une communauté énergétique implique la création d’une communauté de biens, donc une forme de copropriété.


Par définition, une copropriété désigne un régime juridique auquel peuvent être soumis toutes sortes de biens – le plus connu étant l’immeuble résidentiel. Mais dans le cas d’une communauté énergétique, la copropriété peut s’appliquer uniquement aux systèmes de production, de distribution, de stockage éventuel, d’énergie d’origine renouvelable. La production qui s’ensuit est donc également une copropriété, qu’il s’agit de répartir équitablement entre les copropriétaires, le plus souvent au prorata des quotes-parts que chacun détient dans la communauté.

Intrinsèquement, la mise sur pied d’une communauté énergétique implique la nécessité d’un mécanisme de prise de décision collective, dont la complexité est considérée comme l’un des principaux obstacles à l’avancement du projet, notamment à cause de la forte hétérogénéité des parties prenantes en termes d’âge, d’éducation, de revenus, d’intérêts ou de perceptions.


Il est donc souvent nécessaire de comprendre comment un environnement propice à ces projets peut prend forme au sein d’une copropriété existante, et les leviers qui peuvent être actionnés pour les mener à bien.


Il serait erroné de croire que cet environnement propice est uniquement l’affaire des futurs parties prenantes de cette communauté, et qu’ils « n’ont qu’à trouver un terrain d’entente ». Les études menées sur les copropriétés montrent ainsi qu’un environnement propice est plutôt un ensemble de conditions interdépendantes qui ont un impact sur le potentiel d’apporter un changement durable et efficace. Ces conditions peuvent, par exemple, porter sur l’existence d’un cadre juridique ou réglementaire propice, de systèmes de financement et d’assurances intéressants et rassurants, de primes éventuelles, de solutions techniques adéquates, d’une volonté de voir le projet aboutir, d’une force motrice motivée, d’une organisation interne visant la gestion de la communauté à termes, d’une acceptation socio-culturelle de la part des parties prenantes qui prenne le pas sur un sentiment de « contrainte », ou encore d’exemples à suivre de communautés couronnées de succès.


On le voit, donc, cet environnement propice ne se limite pas au cercle restreint des parties prenantes, que l’on pourrait qualifier de «personnel» (chaque personne individuellement) et «interpersonnel» (la copropriété, la communauté des copropriétaires). Des facteurs favorables doivent pouvoir être trouvés dans les autres niveaux de la société,« organisationnel » (la structure qui permet la prise en charge et la gestion de la communauté après sa création, par exemple), « communautaire » (les services de la ville qui peuvent être sollicités, les gestionnaires de réseau, les systèmes de financement) et « sociétal » (la société dans son ensemble, via la structure juridique ou administrative, ou le niveau d’acceptation sociétal des solutions préconisées).


Au-delà de cet aspect, il est évidemment crucial de s’entendre au sein de cette communauté sur les objectifs de cette association.


Lorsque la communauté énergétique est dissociée d’une copropriété immobilière (par exemple lorsqu’une coopérative est créée pour investir collectivement dans une éolienne), la probabilité est grande que de nombreux participants adhèrent au projet avec une volonté forte de le mener à bien. C’est la volonté, la motivation, l’intérêt qui poussent les stakeholders à se réunir autour d’un projet, sans aucune forme de contrainte. Dans le cas d’une copropriété immobilière (un immeuble à appartements, par exemple, où le conseil de copropriété propose l’installation de panneaux photovoltaïques dont la production sera à partager entre les copropriétaires), la situation peut être plus compliquée, car elle implique la nécessité de convaincre les sceptiques, fédérer la majorité autour d’un projet technique, et décider finalement d’investir au sein de la structure, rigide, existante.


Une copropriété est une micro-société démocratique ou les décisions importantes doivent être prise à une majorité qualifiée. Les obstacles pour parvenir à une décision en son sein sont aussi complexes que dans des ensembles plus importants. Aussi, il est nécessaire de prévoir les nécessaires séances d’information avec des professionnels qualifiés, des séances de questions / réponses avec les parties prenantes pour soulever les obstacles rencontrés et dissiper les doutes qui pourraient s’installer, mais aussi échanger sur les opportunités du projet, afin de laisser chaque individualité s’exprimer sur ses motivations et sur ses réticences, qu’elles soient financières ou économiques (temps de retour de l’investissement, réduction des factures énergétiques, création d’un fonds de réserve pour la rénovation…), immobilières (amélioration des performances du bâti, mise en place d’un plan de rénovation, valorisation immobilière, pérennisation du bâti…), environnementales (« go green », indépendance énergétique, diminution de l’impact CO2…) ou sociales (dynamique de groupe, protection des prochaines générations…).


L’environnement favorable entourant un projet réussi de communauté énergétique est plus qu’une simple facilitation de processus ou un programme de financement. C’est une combinaison de copropriétaires engagés, d’un gestionnaire actif, de professionnels du bâtiment ouverts et patients, de la facilitation des processus, des politiques ou lois locales, régionales et nationales, des mécanismes de financement appropriés, des subventions, et de communication. Il serait trop simple de déclarer que le niveau organisationnel est le plus important : il faut également une législation appropriée (à la fois comme le bâton et la carotte) ou des incitations financières, ou encore des parties prenantes réceptives et organisées pour que l’information circule librement entre les différents niveaux. Quoi qu’il en soit, il faut du temps pour mettre en place un environnement favorable en raison de la complexité du contexte.


Jonas Lambert & Stéphane Monfils – ULiège Arlon Campus Environnement

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